19/03/2010
Rien…
En jetant un coup d'œil sur mes dernières notes, j'ai réalisé que j'avais fait la part belle aux livres et aux films. Serait-ce que l'inspiration me manque, que mon imagination soit en hibernation ? Je ne pense pas. J'ai simplement eu des coups de cœur à vous faire partager. Alors, aujourd'hui, c'est promis, je ne parlerai ni de livres, ni de films, ni de la pluie, ni de la neige, ni du beau temps, ni des oiseaux qui me réveillent le matin, ni des amandiers en fleur, ni de mes verveines qui ont péri sous la neige, ni de l'imbécile qui m'a fait une queue de poisson, ni de ma promenade dans notre village perché sur son rocher, ni de ma petite fille, ni de ma future belle-fille, ni de mon fils qui nous prépare un savoureux repas, ni de mes états d'âme, ni de la peste et encore moins du choléra. Aujourd'hui, je ne vous parlerai de rien. Et ça n'est pas rien de ne parler de rien. Il y a ces petits riens qui nous transportent de joie, et ceux qui nous plongent illico dans une profonde tristesse. Il y a les "De rien" qui répondent à votre "Merci beaucoup". Suivent aussi les "beaux riens" de mon enfance qui répondaient à la question : "J'aurai quoi pour Noël ? ".Un beau rien bordé de rose" répliquait ma mère, taquine. N'oublions pas le "Circulez, y a rien à voir ! " ou le "Rien à déclarer ? "et le vaurien, qui ne vaut rien et n'en sait parfois rien. En Allemagne, il fut un temps où l'on trouvait tout plein de bons Aryens. Dans certains pays il y toute sorte de riens : les algériens, les comoriens, les assyriens, et à juste titre, ils ne pensent pas compter pour rien ou n'être que des bons à rien. Tout ceci, me direz-vous est un rien tiré par les cheveux. Je n'y peux rien, je me sens l'humeur badine, et le cœur aérien en ce début de printemps !
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17/03/2010
Une lecture "coup de poing"
Il y a des lectures que je qualifierai de "Coup de poing" tant elles dérangent, choquent, bouleversent. C'est ainsi que je qualifierai le roman : Il faut qu'on parle de Kevin de l'américaine Lionnel Shriver.
Une femme écrit à son mari dont elle est apparemment divorcée. Cette correspondance lui permet de faire une"relecture" de leur vie passée et des événements qui ont brisé leur famille : leur fils de seize ans a sauvagement assassiné neuf de ses condisciples dans le gymnase de son lycée. Cette femme, Eva, se remémore leurs hésitations à avoir un enfant, le désir de paternité de son mari et le coup de tête qui l'a conduite à accepter de devenir mère. Etat qu'elle regrettra rapidement. Dès la naissance, l'enfant semble la rejeter. Leur relation s'engage dans une lutte quotidienne et un désamour réciproque qu'Eva tente de dissimuler en s'efforçant d'être une "bonne mère". Le père s'investit totalement dans son nouveau rôle, confondant amour paternel et faiblesse. Au fil de ses lettres Eva rappelle les anecdotes concernant leur fils qui l'ont amenée à voir en lui un être dangereux pour son entourage. Face à sa méfiance, rarement injuste, le père protège son fils, construit une relation qu'il croit profonde, faite de complicité et de copinage. Si l'arrivée d'un deuxième enfant, une fille, permet à Eva de devenir mère, la relation avec son fils ne s'améliore jamais. Kevin est un adolescent étrange, qui n'aime rien ni personne, qui ne s'abandonne jamais à l'affection des autres, qui joue le rôle du fils qui est bien avec son père, et prend un plaisir malsain à provoquer sa mère. Des accidents graves auraient dû alerter le père. Entre autre un accident ménager qui conduit leur fille, sous la garde de son grand frère, à perdre un œil et à être brûlée au visage par du DESTOP. Mais le père est frappé d'un aveuglement criminel dont il sera la première victime. Je vous laisse le soin de découvrir le dénouement.
Eva cherche avec une honnêteté totale sa part de responsabilité dans l'horreur qui s'est produite. Et comme elle, comme tous les parents des victimes, nous nous demandons : "Pourquoi ? " Les réponses sont nombreuses, toutes sujettes à caution. En effet, si ceux qui ont manqué d'amour ou ont eu un père faible, devaient tous s'adonner à des meutres gratuits, la terre serait presque vide. Donc chercher la responsabilité uniquement dans l'attitude des parents ne suffit pas. Cependant on a le sentiment que dès sa conception, Kevin a bu, telle une éponge, le manque d'amour de sa mère et qu'il a vécu l'amour de son père comme une vaste supercherie.
Ce roman oppresse le lecteur tant le chemin de croix de cette famille est éprouvant. On se prend à détester Kevin, à fustiger la faiblesse du père. Mais, lorsqu'on referme ce livre, on éprouve une grande compassion pour les victimes et les parents, mais aussi à la fin pour Kevin dont la carapace se fissure le jour de ses dix-huit ans. Eva, brisée, écrit à la fin de sa dernière lettre "J'aime mon fils et à sa sortie de prison il aura une chambre chez moi. "
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12/03/2010
La bâtarde d'Istanbul
La bâtarde d'Istanbul d'Elif Shafak jeune romancière turque, est un très beau roman plein de parfums, de couleurs de rires et de larmes.
Armanoush, une jeune fille née d'un père arménien et d'une mère américaine, divorcés alors qu'elle était toute petite, décide de partir à Istanbul sur les traces de sa grand-mère. Cette dernière fait partie des rescapés du génocide perpétré par les turcs contre les arméniens en 1915. Mustafa Kazanci, le beau-père d'Armanoush étant turc, elle loge dans la famille de ce dernier, une famille composée exclusivement de femmes, les hommes mourant tous prématurément à l'âge de 40 ans. Armanoush effectue ce pélerinage dans le plus grand secret pour n'effrayer personne et ne pas exacerber une haine jamais éteinte chez sa famille arménienne. Son beau-père n'est pas retourné dans sa famille depuis 20 ans et nous ne saurons pourquoi qu'à la fin du roman.
Le récit fait des va-et-vient entre Istanbul et les États unis, entre Armanoush et Asya, la nièce de Mustafa et les sœurs de celui-ci. On découvre au fil du récit l'histoire de la famille Tchakhmakhchian et celle des Kazanci. Petit à petit les histoires se rejoignent, les drames de chacun sont dévoilés, les secrets indicibles viennent partiellement à la lumière, les indices semés trouvent leur raison d'être. Dans cette riche galerie de portraits, les femmes ont la part belle, particulièrement les femmes Kazanci. Cependant, Elif Shafak a donné à un autre personnage une place de choix : la ville d'Istanbul. On découvre à travers les périgrinations des personnages une ville de lumière, aux foules bigarrées, aux parfums exaltants, aux musiques et aux bruits d'une richesse incroyable. Istanbul devient un personnage à part entière. La socièté stambouliote apparaît dans une diversité insoupçonnée pour qui ne possède, comme moi, que des clichés sur ce pays et ses habitants.On découvre un pays où modernité et archaïsme se côtoient, où la liberté n'est que superficielle et la répression une réalité pour qui brave le pouvoir. Entre occident et orient la Turquie semble chercher de nouveaux repères nous dit Elif Shafak.
Pour avoir évoqué dans ce roman le génocide turc, l'auteure a été assignée en justice pour "insulte à l'identité nationale". Elle risquait trois ans de prison mais a finalement été acquittée grâce au soutien de nombreuses personnes de toutes nationalités et religions.
11:17 | Lien permanent | Commentaires (1)