Bigarrures

Auteur : Richard Powers

Éditeur : Le cherche Midi

Année : 2003

Je n'avais jamais rien lu de Richard Powers qui a publié de nombreux romans, dont quatre seulement sont traduits en français.

Le temps où nous chantions est un énorme roman de plus de 1000 pages (que cela ne vous décourage surtout pas ! ) dans lequel il nous fait parcourir l'histoire de l'Amérique, le soi-disant pays de la liberté, de 1939 aux années 2000.

Un homme, David Strom fuit le nazisme en 1939 parce qu'il est juif et trouve refuge à New-York. Il est physicien, spécialiste en physique quantique et travaille sur le temps. Lors d'une manifestation où une immense cantatrice noire chante à Washington, il rencontre Délia Daley, une jeune fille noire de Philadelphie, fille de médecin. Leur passion commune pour la musique à laquelle Delia souhaite consacrer sa vie les réunit avec force. Dans une Amérique où les mariages entre blancs et noirs sont un crime, ils décident, contre vents et marées de se marier. Ils sont convaincus d'être des pionniers ouvrant la voie d'une vie nouvelle où les races n'existeront plus. Malheureusement la réalité mettra à mal leur idéal de vie. Ils ont trois enfants, Jonah, Joseph et Ruth dont les talents musicaux sont extraordinaires. Chacun suivra cependant un chemin différent. Jonah, après s'être heurté au racisme dans son pays trouvera la gloire en s'expatriant en Europe. Son frère Joseph qui l'accompagne au piano, rentre au pays à l'occasion de la mort du mari de Ruth. Cette dernière lutte avec les Black Panthers aux côtés de son époux et crée une école dans un quartier défavorisé de Oakland.

En lisant ces pages passionnantes, on traverse les luttes des noirs pour leurs droits, on découvre un pays qui inflige à une partie importante de ses citoyens, avec une bonne conscience étonnante, une vie sans droits si ce n'est celui de rester à sa place. Malheur à celui qui tente de changer les choses. L'histoire de ces destins est celle de l'Amérique qui participe à la défaite du nazisme, à la guerre du Vietnam, l'Amérique qui assassine John Kennedy, Martin Luther King et Robert Kennedy et qui lutte en faveur des droits civiques. L'histoire de chaque personnage est happée par le souffle de l'Histoire.

Ce roman déroule le fil de tous ces destins tout en mêlant avec une érudition époustouflante une réflexion sur la musique et sur la physique. Ce n'est pas un roman pour la plage car il demande de suivre un récit à la structure complexe et de s'adapter à une pensée sans cesse en mouvement, mais c'est un magnifique roman. On ne regrette pas, lorsqu'on le referme d'avoir tenu bon dans les moments un peu rudes.