La nuit n'est jamais compléte Paul Eluard

 Paul Eluard est un grand poète dont j'ai lu et relu certains poèmes. Beaucoup connaissent uniquement son poème Liberté, car il est d'une grande beauté et d'une force étonnante.

J'ai un jour appris par  cœur celui qui suit. Depuis je ne l'ai jamais oublié et je l'ai copié maintes fois à des personnes qui vivaient un moment douloureux.
La nuit n'est jamais complète.
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l'affirme
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée.
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler ou à satisfaire
Un coeur généreux
Une main tendue
Une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie, la vie à se partager.

Enfance

Souvent, lorsque revient le temps de Noël, je repense aux Noëls chez mes grands-parents. Ce n'est pas une réminiscence nostalgique, non, plutôt un souvenir de lumière et de mystère. Mes grands-parents ayant eu neuf enfants, eurent évidemment de nombreux petits-enfants. Leurs finances n'étant pas sans limites, il leur fallait compter sur leur ingéniosité pour gâter chacun avec le même soin. Aussi la préparation se faisait-elle des mois à l'avance. Le jour de Noël, nous nous retrouvions tous dans une entrée spacieuse dont les portes vitrées donnaient sur un immense salon. Ces portes étaient voilées de rideaux blancs, si bien que nous ne pouvions que deviner une légère lueur venue du sapin. Lorsque tout le monde était enfin arrivé, ma grand-mère nous faisait mettre par rang d'âge, en file indienne, avant qu'un adulte n'ouvre les portes. Chaque fois, me semble-t-il, c'était le même émerveillement. Un sapin touchant le plafond était installé dans un coin de la pièce. Les guirlandes, les boules en verre, les bougies allumées juste le temps de notre arrivée, faisaient de cet arbre un roi magnifique et magnanime qui nous accueillait les branches grandes ouvertes. Á ses pieds, sur les fauteuils, sur le piano quart de queue, sur le canapé, les cadeaux attendaient leur destinataire. C'était alors une explosion de cris et de rires. Petits et grands déchiraient avec frénésie les papiers dorés et contemplaient ce qu'ils avaient reçu. Je me souviens plus particulièrement d'une maison de poupée qui avait été offerte à une de mes sœurs. Á l'aide d'un carton, ma grand-mère avait fabriqué une maison à étage avec un escalier extèrieur. Les volets étaient rouges comme ceux de sa maison, et le toit avait l'allure d'un vrai toit. Á l'intérieur dans les diverses pièces de la maison, elle avait construit des meubles, lits, buffet, table, chaises, pendule. Dans les meubles, il y avait de minuscules objets destinés à la vie de chaque jour. Les bols par exemple étaient les chapeaux des glands ramassés dans le jardin, et les glands, une fois creusés constituaient de magnifiques sabots, les bouchons en plastique des bouteilles servaient d'assiettes. Je ne me souviens pas de ce que je reçus cette année-là. Ce dont je suis certaine c'est que la magie de cette maison agit fortement sur mon imagination.

Il neige

Il neige !

Il neige doucement

Dans un silence rassurant.

L'enfance endormie

Ecrase son nez

Au carreau plein de givre.

Il neige.

Un chat noir

Jongle avec les flocons

Duvet gelé

D'un oiseau évaporé.

Les arbres sont ébouriffés de neige,

Le ciel tisse lentement des gris incertains.

 

Il neige !

Et le soleil somnole dans sa couette cotonneuse.