17/05/2009
Le lifting
Comme il atteignait un certain âge, il avait été décidé de lui faire un lifting. Le teint gris et granuleux devait être revu et corrigé. Un matin il fut confié à des professionnels compétents qui s'attelèrent à cette délicate tâche et œuvrèrent avec ardeur pour lui rendre sa jeunesse. Ce ne fut pas facile de lui redonner un teint clair et frais, et ils rencontrèrent quelques écueils. Au bout du compte le résultat dépassa toutes les espérances, et notre nouveau jeune homme arbora désormais un air guilleret qui attirait le regard. J'avoue que, dès lors, je me mis à craindre pour sa nouvelle beauté. La jalousie est un vilain défaut, et l'envie de nuire est une chose assez commune. Cependant, le temps passa et je finis par me dire que mes craintes étaient infondées. Jusqu'à ce matin où je découvris que la chose était arrivée : un horrible tag noir défigurait désormais le mur au crépi délicat !
18:05 | Lien permanent | Commentaires (5)
Le vieux monsieur est mort
Le vieux monsieur est mort, l'hiver dernier. Si je ne l'avais pas su, je l'aurais deviné en passant devant son jardin. Sur le devant il y a des fleurs et un cerisier. Cette année, le cerisier est mort lui aussi. Peut-être s'étaient-ils donné le mot ?
Mais ce n'est pas cela qui m'aurait renseigné. Non, j'aurais compris qu'il était mort en voyant son potager vide, la terre brune nue, triste de ne pas avoir été retournée. Le potager du vieux monsieur nous donnait la note saisonnière. Il y cultivait tomates, courgettes, aubergines,haricots et salades durant le printemps et l'été. En septembre y poussaient des poireaux, des choux et des pommes de terre. Lorsque je passais devant chez lui, je le voyais cultiver ses légumes, les bichonner, les soigner, bêcher la terre. Il était assez corpulent et les gestes pour obtenir une belle récolte lui coûtaient, cela est évident. Je ne le connaissais pas, je ne lui ai jamais parlé, pourtant sa mort m'a touchée. Ce jardin délaissé, l'amandier solitaire, le cerisier qui finira par être coupé, c'est un petit morceau de vie qui s'en est allée. Sa femme reste seule. Elle n'a pas la force de reprendre le flambeau. Le potager restera vide, les herbes folles viendront l'envahir, sauf si une bonne âme, leur fille, leur fils retrousse des manches et sème des fleurs pour que revive cette terre orpheline.
17:43 | Lien permanent | Commentaires (3)
13/05/2009
Lorsque le sac est vide…
Soudain, sans que l'on sache pourquoi, l'esprit ressemble à un escargot qui se dessèche au fond de sa coquille, ou à une feuille tendre qui se fripe et se recroqueville. Plus rien ! Le sac est vide ! Les mots ne se précipitent plus sous le toucher alerte des doigts. C'est l'aphasie, le vide, le néant. Comment est-ce donc possible de ne plus avoir d'idées, d'anecdotes à raconter, de détails à partager ? C'est la panne de l'écrivain, même si le mot est un peu prétentieux en ce qui me concerne. Aucune crampe à l'horizon, signalant l'effort généreux de celle qui aime raconter des histoires. Que faire ? Pleurer ? Râler ? Me secouer ? Faire craquer mes doigts ? Sortir faire le tour du quartier ? Boire un coup de rouge ou du champagne ? La liste est longue de ce que je pourrais faire pour que surgisse à nouveau le monde bigarré de mes idées. Mais je ne fais rien de tout cela. Je souffle, je sais que la maladie n'est pas mortelle, même s'il lui arrive de s'éterniser de façon peu élégante. Parfois je fais les fonds de poche, je recycle, je réinvente. Je grignote des idées minuscules. Je fouille dans les couloirs de l'oubli, sur mes vieux cahiers. Et j'attends l'éclair qui viendra recharger mon petit cerveau rabougri et fatigué. Bing ! Bang ! Le mur du silence tombera et je découvrirai, caché derrière un amas de pierres un potager d'idées neuves que je pourrai cuisiner.
21:32 | Lien permanent | Commentaires (2)